QUI EST CURNONSKY
QUI est CURNONSKY ?
« Maurice Sailland : dix hommes, vingt époques, trente légendes. »
Curnonsky, de son vrai nom Maurice Edmond Saillant, fut un gastronome, humoriste et critique culinaire français, né à Angers en 1872 et mort à Paris en 1956. Il a consacré sa vie, avec bonheur, aux lettres et à la gastronomie et fut élu en 1927 « Prince des gastronomes » par un plébiscite de quelque 3000 toques blanches, titre qui lui reste attaché encore aujourd’hui.
Léon Abric : « Le monde littéraire que Curnonsky observe depuis 45 ans a été pour lui un vaste champ de comédie, – une comédie de 100 actes divers. S’il écrivait un jour ses mémoires, – comme on le lui demande sans cesse, il laisserait le document le plus précieux et le plus divertissant sur la vie parisienne de cette époque – « La Belle Epoque ».
Qui est Curnonsky ? Qui est l’homme qui a bu de l’absinthe avec Toulouse-Lautrec ? Qui a été le premier lecteur de la célèbre Colette ? Qui est l’homme qui a quasiment inventé le ghostwriting ? Qui est l’homme dont la passion pour la haute cuisine a contribué à l’élaboration du guide Michelin ? Quel est le critique gastronomique qui a parcouru et décrit pour la première fois les provinces de France ? Qui est l’homme qui n’a jamais eu de permis de conduire, mais qui a contribué à rendre les pneus Michelin célèbres ? Et quel est le rapport entre cet homme et Emile Zola ? Pourquoi un seul numéro de la revue « Bibendum », celui du 15 avril 1910, manque-t-il dans des archives légendaires ? Et d’ailleurs, qui est ce Bibendum ? Autant de questions auxquelles Inge Huber a consacré des années de travail minutieux sur les archives. Curnonsky, c’est Maurice-Edmond Sailland, le plus célèbre gourmet et gastronome de France, mais aussi le plus célèbre inconnu du XXe siècle. Sa vie éblouissante au royaume de l’érotisme et de la gourmandise ressemble à la fois à un roman policier et à un drame grec. Seule la vie peut écrire l’histoire de ce Curnonsky.
J’étais, alors, un très bon élève de l’externat saint-Maurille, à Angers, et je me croyais, de bonne foi, un scientifique : je me nourrissais de Jules Verne et de Louis Figuier, et j’achetais, par livraisons, les Nouvelles conquêtes de la science et les Merveilles de l’Industrie. Comme à feu Georges Ohnet, – dont je lisais les Batailles de la vie, – l’ingénieur m’apparaissait le type même du Surhomme et le Héros des Temps Modernes. (…) A l’écrit du cachot es-lettres, qui comportait, alors, un devoir de sciences, je restais pantois, comme le brave Grillon, devant la colle imposée à nos jeunes perspicacités. N’y voyant goutte, je remis à l’appariteur une feuille presque blanche… où je m’étais contenté d’écrire ces quelques mots : « Le problème semble se rattacher à un cas d’égalité des triangles, mais il doit y avoir, dans l’énoncé, une erreur qui le rend insoluble ». Par un hasard imprévisible, il se trouva que j’avais raison et la constatation de cette gaffe providentielle m’épargna le zéro de sciences qui m’eut fait recaler. Par contre, comme j’avais piqué un 20 de dissertation française, un 17 de thème allemand, et un 18 de version latine, tous mes professeurs en conclurent que la plus belle carrière littéraire et les portes de l’Ecole Normale s’ouvraient devant moi. Chaque semaine, mes « papiers » passaient dans les journaux les plus divers. Gagnant très bien ma vie – certains des articles que je faisais pour Willy, m’étaient payés, par lui, cent francs (or) – je renonçai, en 1896, à me présenter à l’agrégation, et, au grand désespoir de mes anciens maîtres d’Angers, j’entrai définitivement dans la carrière journalistique.
(Curnonsky : Souvenirs Littéraires et Gastronomiques)
« J’ai été tour à tour romancier, chroniqueur, revuiste, humoriste, auteur gastronomique, rédacteur publicitaire, critique de théâtre de variétés, nouvelliste, chroniqueur de potins, essayiste, secrétaire, pigiste et écrivain salarié, “Nègre pour Willy” ! – (à ce propos… en littérature, certains nègres [sic] ont plus de talent que les auteurs qui signent leurs livres).
…J’ai fait partie de la génération qui a vu naître l’électricité, le téléphone, le sous-marin, la bicyclette, l’automobile, l’avion, le cinéma, la radio… Je n’ai jamais utilisé de téléphone, je préfère encore le journal à la radio et je préfère aller au théâtre plutôt qu’au cinéma !
…Je ne suis jamais monté à cheval, je n’ai jamais fait de vélo et je n’ai jamais nagé. Je ne suis ni boxeur ni lutteur, je n’ai jamais joué au tennis, ni au golf, ni au football et je n’ai jamais fait de gymnastique. Je n’ai jamais chassé non plus et cela fait longtemps que je n’ai pas pêché. Je suis heureux de jouer moyennement au backgammon et d’être un joueur de cartes raisonnablement honnête. Je dois dire qu’il est plus facile de monter sur un vélo que sur un cheval. » (CUR)
(…) Brave Curnonsky (cur pour les intimes). Grassouillet, familier, un peu démodé ; il est tout à la fois cordial et bourru. Ses petits yeus malins, sa grosse moustache de phoque, sa voix sonore, éraukkée par les apéritifs de marque et les grandes fines maisons, sa diction bredouillante sont irréstiblement sympathiques. Tout le monde l’aime et il adore éperduement tout le monde… Vous le connaissez depuis cinq minutes à peine et déjà vous êtes son ami, cheu-cheu, son bon ami, son grand ami.. … cheu-cheu… et bien entendu, dès que vous avez le dos tourné, il a oublié votre nom et jusqu’à votre existence… En 1915 je le rencontrais souvent le soir après la fermeture officielle des établissements publices, au buffet de la Gare Saint-Lazare, rendez-vous des noctambules. Attablé, pardessus sur le dos et chapeau melon sur l’oreille, devant un sandwich de pain noir bourré de saucisson et un bock, dont la mousse s’accrochait en folcons blancs à sa moustache, il écrivait d’une plume alerte, des pages et des pages sur les sujets les plus divers. Je crois que nul, depuis le grand Dumas, n’est parvenu à noircir du papier avec autant de facilité et de talent que Curnonsky.
Max Aghion
ON DIT : Curnonsky ! – un visage malicieux aux yeux espiègles, des sourcils épais, une petite moustache déjà jaunie par le tabac, une petite bedaine, un pince-nez qui lui glissait parfois du nez, une cravate en biais, des manchettes désertes – c’est ainsi qu’il joua pendant plus de cinquante ans une comédie à Paris, son univers.
CURNONSKY le GASTRONOM
« La bonne cuisine c’est –
Quand les choses ont le goût –
De ce qu’elles sont ».
Curnonsky, a l‘hauteur de sa réputation, il est dit que 80 restaurants de Paris lui réservaient une table chaque soir au cas où il s’y présenterait. Il est né dans une ancienne famille à Angers en 1872. Sa mère en meurt et son père l’abandonne. Il sera donc élevé par sa grand-mère. A 18 ans il monte à Paris pour préparer Normale Supérieure mais il est attiré par le journalisme. Il veut se trouver un pseudo et l’amitié franco-russe étant au gout du jour, il choisi Curnonsky, de « cur » en lati n qui veut dire pourquoi et « non » qui signifie Pourquoi pas « pourquoi pas » plus « sky » pour donner un tour russe. Il écrit dans divers journaux et va devenir entre autre un des « nègre » de Willy, le premier mari de Colette. Curnonsky est connu pour son appétit et sa taille (1m85 et 120 kg). Il mettra finalement son talent d’homme de lettres et son solide appétit au service de la gastronomie et entreprend avec son ami Marcel Rouff la rédaction d’une série de brochures sur la cuisine régionale et les meilleures tables de France. En 1927, la revue « le bon gîte et la bonne table » organise un référendum pour élire le « prince » des gastronomes. Curnonsky est choisi. Il est invité de diners en réceptions et rempli ses fonctions avec une merveilleuse bonne grâce. Parallèlement il poursuit son oeuvre littéraire et gastronomique. Il fonde également „l’académie des gastronomes“ en 1930, dont il sera d’ailleurs le premier président. Curnonsky refuse d’associer son nom à la moindre publicité. Il a ainsi repoussé des fortunes. Le 22 juillet 1956 il tombe par la fenêtre de son appartement et meurt sur le trottoir. Il allait avoir 84 ans.
René Chauvelot
(…) Le Journal, fondé en 1892 va en faire les plus parisiens, le plus littéraire et le plus boulevardier des journaux de Paris. A toute heure du jour et de la nuit le bar du Journal connaissait une grande animation, on y rencontrait tous les romanciers à la mode, les turfistes, les vedettes, les journalistes venus en voisins et ceux de la maison. C’est là que le jeune Sailland vite connu sous le nom de Curnonsky venait chaque jour retrouver ses amis. C’est dire le soin qu’on apportait aux lettres dans ce journal qui peut se vanter d’avoir accueilli les plus grandes signatures de ce début du siècle. C’est là, dans ce monde brillant et agité, que Curnonsky fit ses débuts de grand journaliste.
C’est là au bar du Journal que Cur eut ce mot qui allait sinon faire sa fortune, du moins affirmer sa réputation d’homme d’esprit. « Il y a quarante immortels à l’Académie Françaises, mais il n’y a qu’un seul increvable c’est chez Michelin ». Un dessinateur venait de composer ce gros personnage en pneus gonflés : on demanda à Cur de lui trouver un nom « Bibendum » – répondit-il puisque le pneu Michelin boit tout même l’obstacle. Succès!! – On lui demande maintenant de rédiger chaque lundi un billet de publicité déguisé qu’il signera Bibendum… – Et, ce Bibendum c’est Curnonsky.
Simon Arbellot
CURNONSKY - JOURNALISTE – BIBENDUM
« Il y a quarante immortels à l’Académie française,
mais il n’y a qu’un seul increvable, c’est Michelin ».
Dans ses mémoires, Simon Arbellot se souvenait encore précisément de ce jour de 1894, le moment de la naissance de la mascotte, et décrivait l’événement comme suit : « C’était au bar des Journal, le premier projet d’affiche d’O’Galop était sur la table. Les frères Michelin montrèrent l’affiche à Curnonsky et lui demandèrent de trouver un nom pour ce drôle de bonhomme pneu. Curnonsky jeta un coup d’œil furtif sur le dessin terminé, lut la phrase à boire « Nunc est Bibendum », il eut immédiatement la solution et, en un clin d’œil, il trouva un nom approprié : « Bibendum ! Messieurs, pourquoi ne pas appeler ce petit bonhomme Bibendum ? Oui, Bibendum ! » – BIBENDUM était né.
« Imagine, mon ami – je gagne maintenant dix louis par article,
je survis avec le pneu. Je survis avec du caoutchouc ».
BIBENDUM
« Ces formules que j’ai lancées dépassent le domaine de la publicité, – ces phrases sont entrées dans l’histoire de la publicité, ces phrases ont attiré l’attention sur la nouvelle mode des moyens de transport. Il y a longtemps qu’elles ont supplanté le petit carrosse – je parle bien sûr d’une époque, il y a plus de soixante ans, à l’époque où l’on ne me respectait pas encore, c’est moi qui signais Bibendum… » (CUR)
L’AUTO, LE TOURISME ET LA GASTRONOMIE
PROST! – À VOTRE SANTE !
Nunc est bibendum ! – lasst uns trinken!
« En construisant l’automobile, l’homme a surpassé Dieu. Bien sûr, Dieu existe par nature en dehors du temps et de l’espace, il s’était interdit de conduire le triomphe de la joie de 140 km/h. Mais il n’a pas pu le faire. « Son éternité ne lui permet pas de jouir de l’ivresse de la vitesse, il lui est interdit de battre pour toujours le record de la vitesse. En 1892, j’étais Sorbonnard, Sorbonnicole et Sorbonnifiant – je vivais entre Rive-Gauche et je fréquentais le bar du Chat-Noir… »
(CUR)
ET CE CURNONSKY, C'EST BIBENDUM !
CE PRINCE
DONT LE SCEPTRE
EST UNE
FOURCHETTE
En 1972, à l’occasion du centenaire de la naissance de Curnonsky, le magazine « Lui » a présenté l’image accompagnant un article, écrivait d’Honoré Bostel.
Portrait d’un gourmand, dùn fin gourmet qui dégusta la vie avec esprit (…) Cent ans après sa naissance, dit Honoré Bostel, il est de tous les festins. Maurice-Edmond Sailland, dit Curnonsky, gros mangeur et fin lettré, gourmet-gourmand de mondiale renommée, fit de la cuisin un art suprême et du savoir manger une véritable philosophie. Pour rendre hommage à ce géant du coup de fourchette, Honoré Bostel, „Toque d’or“ de la grande cuisine française, retrace par le le menu la carrière du Prince élu des gastronomes, ce fou de la gueule à l’esprit délicat et au formidable appétit.
Curnonsky aurait aujourd’hui cent ans. Aussi, le « Prince élu des gastronomes » est-il devenu, en 1972, un important prétecte à des banquets autour des meilleures tables. (…) En 1928, à la suite d’un plébiscite organisé par Paris Soir, trois mille chefs de cuisine, cordons-bleus, hôteliers, restaurateurs l’élisaient Prince des Gastronomes. De sa vie, il n’avait e uni chef, ni chef, ni cordon-bleu, ni cuisine, ni cave, ni salle à manger … Curnonsky fut ainsi, entre autres, Président du Grand Perdreau, Membre de la Belle Table, Sécretaire perpétuel des Psychologues du Goût, Président du Dîner de la Pipe. Membre de la Confeérie des Sacavins, Membre de la Confrérie de St-Etienne d‘Alsace, Membre du dîner du 14, Membre du déjeuner du 28. Son coup de fourchette avait passé les frontières. Les Italiens l’appelaient «l’esofago piu intelligent del mondo » …
A la tienne, mon Prince !
Toi dont l’eau n’a jamais rouillé l’estomac d’acier !
LA PUBLICITÉ DE CURNONSKY
« L’art seul ne nourrit pas l‘homme » (CUR)
« …Il ne semble pas impossible que dans un siècle ou deux, la postérité admire l’un de ces écrits intimes, alors qu’il n’y aura plus rien de ces romans qui paraissent chaque semaine en quantité, – seules ces lettres manuscrites rendront immortels les hommes de lettres et leur travail – malgré le téléphone et les autres correspondances rapides. » (CUR)
Au soir de sa vie, Curnonsky écrivait : Maintenant que j’ai atteint un âge respectable et que je vis au mieux de mes souvenirs, il ne me reste plus qu’à fixer les principaux événements de mon existence et à en expliquer certains aspects. Curnonski ou Curnonsky ? Comment expliquer – ni l’un ni l’autre. Je ne suis autre que Maurice-Edmond Sailland, fils unique d’Edmond-Georges Sailland. Je déclare depuis plus de cinquante ans que je ne suis ni russe, ni polonais, ni juif d’Ukraine, ni tchèque, ni moldave, ni skipétar, ni poldève, je suis français et angevin, dit « sac à vin ». Sans aucun doute, je dois ajouter : Je ne suis ni prince, ni comte, ni prince tout court, et pourtant, il y a plus de trente ans, trois mille cuisiniers m’ont désigné comme leur prince des gastronomes.
« Mon ami, mon cas doit être unique dans le monde des hommes de lettres, car je suis un martyr de mon pseudonyme. Ce Curnonsky et ce Sailland sont une seule et même personne. Ce pseudonyme m’a déjà causé bien des ennuis. » (CUR)